« C'est une fille ».

Le ton était détaché, neutre. Arthur sentit une boule se former dans sa gorge et son estomac se nouer. Ce n'était pas possible, tout simplement...Impossible. Sa femme venait d'accoucher d'une fille. Il n'aurait pas d'héritier à proprement parler. Il maudissait déjà cet enfant alors qu'il avait à peine vu le jour. Ils avaient essayé de nombreuses fois, il ne comptait même plus les nuits où ils s'étaient roulés dans les draps, atteignant leur "paradis" intime. Rien à l'horizon. Pourtant, il fallait qu'ils y songent à agrandir leur famille, il était temps pour eux de penser à l'héritage, à l'avenir. Arthur avait déjà eu l'image parfaite de son enfant : un garçon robuste, très bon élève à l'école, décrochant tout les diplômes nécessaires pour avoir plus tard une carrière en or. Il se trouverait également une femme, d'un mariage forcé peut-être qui sait et il aurait également des enfants qui seront fiers de porter le nom "Jefferson"...Mais ce rêve-là n'était désormais plus d'actualité, il avait reçu une gifle en plein visage, tandis que sa femme, allongée dans le lit tenait le nouveau né dans ses bras. L'homme aux cheveux chocolats posa ses yeux sombres sur le visage de l'enfant. Elle avait des traits délicats comme sa mère, plus tard elle ferait certainement tournée des têtes. Une autre idée germa dans l'esprit du père, celle d'un mariage entre sa fille et un homme de bonne famille, riche, un travail remarquable, le beau fils parfait.

« Donne la moi Sarah » ordonna t'il à sa femme.

Cette dernière déposa le nourrisson dans les bras d'Arthur, le père alla vers une fenêtre de l'hôpital de St Mangouste, glissa un doigt sur l'une des joues pâles du bébé. Elle avait déjà un avenir tout tracé sans le savoir, elle devrait vivre avec des règles qui parfois la pousseront à la rébellion, mais la petite brune dans les bras de son géniteur ne pouvait pas encore se rendre compte de tout ça, elle gazouillait pour l'instant, heureuse de l'intérêt qu'on lui portait. La voix de son père lui parvint à ses oreilles, les premiers mots de sa nouvelle vie :

« Bienvenue chez les Jefferson, Swàan... »

Ce fut peut être l'un des seuls moments où Arthur exprima de la "tendresse" envers sa progéniture. Il remit Swàan dans les bras de sa mère avant de s'éclipser pour aller travailler. Bien plus tard, lorsque Sarah rentrera chez elle, elle laissera le bébé aux bons soins d'une nounou avant de sortir pour se "changer les idées". La couleur était déjà donnée pour ce qu'il adviendrait par la suite de l'enfant, elle continua à grandir aux côtés d'une nounou, ne voyant que très peu ses parents et lorsqu'elle les voyait, aucun échange paternel ou maternel n'avait lieu, simplement des phrases sur l'avenir de Swàan, sur sa future scolarité, sur l'après de ses études... Ce manque d'affection était comblé par des cadeaux en tout genre, toujours plus chers les uns que les autres. Si en apparence, la petite sorcière appréciait ce qu'on lui offrait, au fond d'elle-même, les attentions de ses parents envers son égard lui manquait terriblement...